Souveraineté: la seule issue au piège de la dette africaine.

Nous consacrons un tiers de notre budget au service de la dette extérieure, pour ensuite nous battre afin que cette même dette soit annulée.
C’est ainsi que je résume l’initiative PPTE, que la Côte d’Ivoire a atteinte en 2009, puis de nouveau en 2017.
Une question fondamentale se pose alors: pourquoi empruntons-nous?
On nous répond: pour investir. Or, tout investisseur examine avant tout le ROI (Retour sur Investissement), c’est-à-dire le profit que cet investissement est susceptible de générer.
Logiquement, on investit donc dans une activité rentable; à moins que notre objectif ne soit de perdre de l’argent et de nous endetter davantage si le capital provient d’un emprunt. Nous nous retrouvons ainsi avec un service de la dette que nous peinons à honorer, d’où le recours à un allégement.
Et dès que cet allégement est obtenu, nous pouvons de nouveau emprunter pour investir dans des projets non rentables, ce qui nous empêche de faire face à nos obligations financières; alors, nous réclamons à nouveau un allégement.

Grâce à ces mesures, les fonds précédemment destinés au remboursement de la dette pourraient en principe être réorientés vers des investissements productifs, afin de créer des actifs et de la richesse nationale. Pourtant, quelques années plus tard, force est de constater que cette richesse n’est pas au rendez-vous, et nous recourons à une nouvelle initiative PPTE – qui portera sans doute un autre nom dans le futur.

Pour sortir de ce cycle infernal, les États africains n’ont que deux options:
1. Créer de la valeur, ce qui implique de réaliser des investissements judicieux et rentables.  
2. Opérer un « hara-kiri » symbolique pour désigner le véritable problème: notre souveraineté limitée, qui seule nous permettrait d’investir dans ce qui est véritablement profitable.

La première solution exige de la créativité pour construire un modèle socio-économique et financier adapté à notre écosystème, fondé sur une idéologie et une vision claires.  
La seconde, qui passe par l’acquisition d’une souveraineté réelle, doit déboucher sur la mise en place de politiques gouvernementales innovantes.

La première relève du "soft power", la seconde du "hard power". Mais, à y regarder de plus près, ces deux solutions sont interdépendantes: sans souveraineté, point de politiques innovantes. Et sans politiques innovantes, point d’investissements judicieux capables de créer de la valeur.  
Créer de la valeur pour les États africains exige donc une souveraineté pleine et entière – qui ne se quémande pas, bien entendu, compte tenu de ses implications géopolitiques et économiques.

Cette création de valeur ne saurait être déléguée aux multinationales qui s’implantent chez nous. Leurs investissements ne peuvent contribuer à notre développement que s’ils s’inscrivent dans le cadre de politiques gouvernementales novatrices, dont l’objectif à court terme serait de dynamiser notre secteur primaire et, à long terme, de créer un secteur tertiaire fort, fondé sur des industries locales – à l’image de ce qu’a réalisé la Chine.  
Pourquoi en est-il ainsi? Nous disons souvent que « celui qui apporte l’argent décide ». Or, ces multinationales viennent dans nos pays avec leurs conditions, précisément parce que nous manquons de souveraineté. Les contrats qui leur sont accordés leur sont souvent favorables à hauteur de 85%, ne nous laissant que 15%. Quand parviendrons-nous à un équilibre 50/50, alors qu’elles opèrent sur notre territoire, utilisent notre main-d’œuvre et nos ressources pour produire, puis vendre leurs produits à nos populations, et parfois même exporter – notre seul bénéfice se limitant souvent à des taxes, dont certaines sont exemptées?
Que pouvons-nous faire si nous n’acquérons pas notre souveraineté ?  
Nous contenter de réaliser des investissements économiques en infrastructures et espérer que les générations futures obtiendront cette souveraineté? Pour paraphraser le président Houphouët-Boigny qui déclarait dans les années 1980: «Je sais qu’on nous vole, mais que pouvons-nous faire? J’espère que les générations futures y remédieront.»  
Trente-deux ans après sa mort, nous, les générations futures d’hier, devrions-nous à notre tour nous en remettre à celles de demain, encore à naître?



Marius Y. M. C. Oula

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