Le développement de l'agriculture dans les zones rurales en Afrique du Sud.

L'une des importantes nouvelles de la prise de pouvoir de Trump aux États-Unis pour l'Afrique est la cessation du financement de l'USAID pour l'Afrique du Sud (environ 400 millions de dollars). Même si cela aura des effets négatifs sur les bénéficiaires des antirétroviraux et sur la couverture médicale d'un grand nombre de personnes dans ce pays au taux d'infection par le VIH très élevé, le financement de l'USAID ne représente que 17 % des besoins d'assistance médicale du pays. La raison invoquée par Trump est le vote de la loi sur l’expropriation des terres présentée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa. Pour Trump, il s’agit d’une loi raciste, contre les agriculteurs blancs qui peuvent être dépossédés de "leurs terres"; un débat sur lequel nous ne nous attarderons pas car c'est de la propagande de suprémacistes blancs, qui considèrent avoir acquis ces terres légalement, mais tout le monde sait que c'est leur butin de l'apartheid.
On citera pour notre part Houphouët Boigny, premier président de Côte d'Ivoire, qui, pour lancer le vaste programme agraire en Côte d'Ivoire dans les années 1970, avait pour slogan « la terre appartient à celui qui la met en valeur », ce qui a eu pour conséquence de positionner ce petit pays qu'est la Côte d'Ivoire (322 462 km² de superficie) comme premier producteur mondial de café et de cacao pendant des décennies.
Si cette loi permet l'expropriation des terres détenues par les Blancs, cette loi parle plutôt d'indemnisation, ce qui rejoint l'idée d'un "acheteur consentant, vendeur consentant" pour acquérir ces terres à un prix convenu. Ces terres, dont la majorité appartiennent à des Sud-Africains blancs, ont été mises en valeur et développées par eux.
Le problème est alors : les Noirs seront-ils capables de faire ce que les Blancs ont fait avec ces terres ? 
Si ce n’est pas le cas, le pays se retrouvera dans un scénario comparable à celui du Zimbabwe à l’époque de Mugabe. 

On ne s'improvise pas agriculteur ; c'est une vocation qui s'établit avec passion et dévouement.
Si vous ne pouvez pas cultiver sur 100 mètres carrés, vous ne pourrez pas le faire sur 1 hectare (cette affirmation est basée sur l'expérience et des faits probants).

Certes, le président Ramaphosa veut satisfaire son peuple dans sa volonté de rectifier les inégalités héritées de l'apartheid, mais est-ce que les Noirs sont-ils équipés et prêts à travailler la terre ?

La terre est une richesse parce que l’agriculture, c'est de la nourriture, mais il faut l’exploiter afin de produire pour la consommation, la vente et l'exportation de ces produits agricoles.
Mettre la charrue avant les bœufs est la marque des politiques gouvernementales en Afrique; la CEDEAO (la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) a instauré la libre circulation des personnes comme l’UE, mais ne dispose pas de monnaie commune, ni de libre circulation des marchandises par la standardisation des tarifs douaniers au sein de sa région, contrairement à l’Union européenne. Et depuis, elle peine à l'instaurer alors même qu'il fallait commencer par là, car la libre circulation des personnes ne facilite pas les échanges, mais plutôt les biens, et surtout, une monnaie commune dans une région entre plusieurs pays favorise les paiements, réduit les risques de change, augmente les échanges, accroît les investissements intra-régionaux et tout ce qui va avec.
Si donc les terres à acquérir sont destinées à une partie de la population qui en a été privée, pour quel but le gouvernement sud-africain le fera-t-il? Construire des habitats à loyer modéré ou pour les mettre en valeur?
Je planche pour le 2ème cas, c'est-à-dire travailler la terre.
Il est donc impératif que le gouvernement sud-africain prépare ses populations à cultiver la terre, et cela doit se faire progressivement, en encourageant l'agriculture à petite échelle, et la terre est disponible pour cela sans dépossession de personne. Le développement de l’agriculture à petite échelle doit donc être la priorité pour encourager les Noirs à se lancer dans l’agriculture. Développer cette initiative en milieu rural permettra d'abord d'assurer l'autosuffisance alimentaire de ces zones rurales dans un pays avec un taux de chômage élevé, en ciblant les jeunes dont le chômage est supérieur à 40 %; le retour à la terre doit être encouragé et structuré. Dans ces zones rurales, cette agriculture à petite échelle contribuera d'abord à créer l'autosuffisance, et la vente de produits agricoles créera une économie de subsistance qui, avec une politique gouvernementale adéquate et l'aide des autorités locales, réduira l'exode rural. Le succès de ses petites exploitations agricoles et leur expansion sur tout l'étendue du territoire sud-africain seront la révolution agraire dont les Noirs seront les premiers bénéficiaires.
Ne dit-on pas que "l’appétit vient en mangeant"? Lorsque ces petites exploitations agricoles seront mises en œuvre, après les premières récoltes, la volonté d’augmenter leur production pour augmenter leurs revenus et satisfaire la demande locale entraînera le besoin de plus de terres chez les agriculteurs. En ce sens, l’acquisition de plus de terres sera donc justifiée et appropriée car répondant à un besoin légitime. C'est ce processus naturel qui conduira à la "conquête de nouveaux territoires", dans le cas de l'agriculture, à l'acquisition davantage de terres. Les Européens, suite à la révolution industrielle, entraînant des besoins énergétiques et une demande locale croissante de produits finis, se sont donc lancés dans la recherche de matières premières et la conquête de nouveaux territoires. C’est ainsi que fonctionne l’ordre naturel des choses dans une société en développement.
Tout programme de développement, notamment en Afrique, doit commencer à la base et évoluer progressivement. C'est ce que fait l'ANC en politique lorsqu'elle parle en campagne politique de rencontrer son électorat à la base, qui doit également pouvoir être reproduit dans d'autres secteurs de l'économie, notamment dans l'agriculture.
Les Africains doivent apprendre à commencer petit pour acquérir de l’expérience et du savoir-faire, puis passer à l’échelle supérieur, ce qui dans le domaine de l’agriculture se fait à travers la création de coopératives agricoles, conduisant à la établissement de zones de production agricole. La création de richesses qui sera générée dans ces zones agricoles à travers la production agricole, avec un encadrement efficace des populations rurales à travers des coopératives agricoles, favorisera l'exportation de la production agricole à travers le pays et hors du pays depuis ces zones rurales.
Il est inconcevable qu’en milieu rural, les populations ne puissent pas se nourrir des fruits du travail de la terre, alors qu’elles peuvent acquérir de petites parcelles de terre et commencer d’abord leur production de subsistance, puis la vente de ces produits agricoles pour lesquels il existe une demande croissante.

L’État sud-africain a la volonté de rectifier les injustices héritées de l’apartheid, mais il doit être stratégique et peut le faire pacifiquement sans spolier une partie de sa population. La tranche de la population qui consomme le plus de produits agricoles est noire, car elle constitue 80% de la population ; il ne s’agit donc pas de prendre à une minorité pour donner à la majorité qui n’est pas au mieux équipée à travailler la terre. 
L’expérience a démontré que la politique d’attribution d’actions et de hauts postes de direction dans de grandes entreprises aux Noirs dans divers secteurs de l’économie, bâtie par la minorité blanche, n’a pas eu l’effet escompté. Cela n’a fait que créer une infime partie de Noirs prospères, principalement ceux issus des cercles politiques ; au lieu d'élargir le "gâteau" (le tissu économique) par la création d'entreprises prospères, "le gâteau" a été partagé (distribution des actions et positionnement des Noirs dans les postes de direction des entreprises). Le tissu économique qui ne s'est pas développé a eu un impact négatif sur la création d'emplois et la croissance économique. Une erreur à ne plus commettre avec la redistribution des terres aux Noirs. Par conséquent, l’État sud-africain doit promouvoir et mettre en œuvre une politique de création et d’expansion de la petite agriculture qui créera un bassin agricole de petits agriculteurs noirs et, en l’étendant, augmentera la production agricole et établira une économie dans les zones rurales basée sur la production de ses zones, ce qui réduira la pauvreté et le chômage dans les zones rurales. Ainsi, pour paraphraser Julius Malema, le gouvernement Sud-africain doit "remettre l’agriculture à la mode", afin de réduire l’exode rural, de créer la richesse en zone rurale, ce faisant davantage d’agriculteurs noirs.



Marius Yusuf C. M. Oula


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